Désolé mais le No nut challenge ne vous fera pas jouir plus fort
Pas d'éjaculation pendant tout le mois de novembre, c'est le défi que relèvent actuellement des milliers de participants dans le monde. Beaucoup espèrent apprendre à mieux maîtriser et apprécier leur sexualité.
«Je veux retrouver le plaisir que j'avais quand je me masturbais à 15 ans. Ce qui est rare est cher comme on dit.» Yohan a 24 ans et a découvert le No nut challenge sur les réseaux sociaux cette année. Il espère, à l'issue de ce défi, reconquérir un plaisir perdu. «Normalement, je me masturbe tous les soirs, même si je n'en ai pas forcément envie. Je le fais juste mécaniquement parce que je m'endors super bien après. Je n'ai jamais vraiment fait de pause alors je me suis dit que c'était l'occasion», raconte-t-il.
Une abstinence taoïste?
Comme Yohan, ils sont des milliers à suivre ce challenge sur les réseaux sociaux. Lancé sur le forum Reddit l'année dernière, il a des règles simples. Elles consistent à s'empêcher de se masturber ou d'avoir un rapport sexuel avec éjaculation durant tout le mois de novembre. Et non, le «nut» du challenge ne fait pas référence au mot «noix», comme on pourrait le penser, mais à de l'argot anglais. «Nut» signifie sperme, comprenez donc qu'il ne faut pas verser sa semence pendant ces trente jours. Si ce challenge est intrinséquement destiné aux hommes, plusieurs femmes se sont aussi lancé le défi de ne pas se masturber ni avoir de relations sexuelles pendant le mois de novembre. Sur Twitter, des participants publient chaque jour leur avancée.
Le sexologue Jean-Michel Huet voit dans le No nut november challenge une référence au taoïsme. Cette doctrine religieuse et philosophique chinoise fondée par Lao Tseu enseigne la solidarité entre la nature et l'être humain, basée sur le fameux yin et yang. La sexualité a sa place dans l'enseignement taoïste, qui évoque aussi la question de l'abstinence. «Ce défi est probablement inspiré des fondements taoïstes chinois selon lesquels l'abstinence permettait de garder ses forces vitales. Les Chinois devaient apprendre à se retenir», explique le sexologue, qui ajoute, sceptique: «Dans un contexte d'époque ou religieux, il y avait un sens à ne pas jouir mais maintenant, je ne vois pas grand intérêt à ressentir une telle frustration.»
Relever le défi en couple
Pour Yohan, accro à la masturbation, cela ne fait pas de doute, il y a un intérêt à cette abstinence qu'il s'impose. Il ose justement la comparer à la religion. «Je suis en ce moment dans une phase d'introspection. Se restreindre, comme pour le carême par exemple, ça a du bon, ça forge le mental», déclare-t-il. En couple depuis plusieurs années, il n'a plus de relations sexuelles avec sa compagne durant ce mois. Cette dernière ne voit pas forcément d'un bon œil le No nut november challenge. Elle soutient tout de même son compagnon. «Elle trouve ça débile mais elle respecte», raconte Yohan en riant.
Contrairement aux effets escomptés, le défi peut vite s'avérer pervers et ajouter des problèmes dans la sexualité des participants s'ils ont un·e partenaire, estime le sexologue Jean-Michel Huet: «Il est évident que toute décision unilatérale dans un couple pose problème dès lors qu'elle est imposée à l'autre. Imposer l'abstinence dans un couple, ce n'est pas forcément une bonne idée, cela peut amener à des tensions inutiles.»
Parmi les rares femmes qui participent au No nut november challenge, beaucoup le font en soutien à leur compagnon. C'est le cas d'Emma, jeune architecte de 28 ans, qui a décidé de se lancer ce défi pour suivre son partenaire: «Mon copain aime bien ce genre de challenge sur internet comme le Dry January [défi dont le but est de ne pas boire une seule goutte d'alcool durant le mois de janvier, ndlr]. Cela permet d'avoir plus de recul sur nos habitudes au quotidien. Du coup, il m'a proposé de faire ce défi sans sexe durant le mois de novembre. Pour l'instant, je ressens une petite frustration mais je me dis que nos retrouvailles sexuelles n'en seront que meilleures.»
Pour la sexologue et thérapeute de couple Isabelle Gace, la sexualité ne doit pas être vécue comme une pratique que l'on peut arrêter comme on pourrait le faire pour de l'alcool sous le prétexte d'une détox. «Ce défi questionne davantage notre rapport à la sexualité qui peut être vécue comme une injonction, une performance ou dans le pire des cas un phénomène à contrôler.» L'abstinence ne peut pas être prise à la légère.
Isabelle Gace invite à une sexualité épanouie où l'on se donne du plaisir quand on en a envie. «La sexualité, c'est avant tout une ressource personnelle positive. Elle s'apprend et évolue au gré de l'âge et l'expérience. Elle peut être destinée à son propre épanouissement dans une sexualité personnelle avec la masturbation, mais elle a surtout pour finalité d'apprendre à partager son épanouissement avec son partenaire dans une sexualité relationnelle. C'est une activité qui nous fait du bien avec des vertus relaxantes. C'est un excellent antidote contre le stress.»
S'abstenir surtout de regarder du porno
Sur Twitter, même le géant du divertissement pour adultes s'intéresse au No nut november challenge. Le 1er novembre, Pornhub postait sur Twitter que «20 millions de personnes ont déjà échoué au No nut november challenge» –20 millions correspondant au nombre de personnes à s'être connectées à la plateforme de vidéos porno sur cette seule journée.
Certains participants au challenge avouent «avoir un problème avec les vidéos pornographiques». C'est le cas de Naoufel, 21 ans: «Depuis mes 14 ans, je regarde quasi quotidiennement du porno. C'est la première fois que j'arrête plus de deux jours consécutifs et c'est très compliqué quand on a habitué son corps à ça. J'ai honte de mon addiction au porno. Je ne me vois pas faire une thérapie alors ce challenge m'a paru être une bonne solution.»
Gary Wilson, spécialiste des addictions en neurochimie, s'est penché sur l'influence du porno sur le cerveau.
Dans cette conférence TEDx, il explique qu'une addiction à la pornographie peut conduire à une baisse du plaisir, voire une insensibilité. Même cette dernière n'empêchera pas un accro de continuer à regarder de la pornographie, car il n'est pas addict au plaisir mais à l'excitation. Réduire la fréquence des rapports ou de la masturbation pourrait alors être utile. Mais attention avec le No nut november challenge qui interdit totalement le sexe et qui pourrait amener à l'effet inverse. Une fois le défi terminé, la reprise pourrait être encore plus compulsive pour rattraper le temps perdu.
Savoir différencier orgasme et éjaculation
Alors que la plupart des participants sont abstinents durant tout le mois, certains choisissent d'adapter le No nut november challenge à leurs envies. Selon les règles, il est interdit d'éjaculer mais pas forcément de prendre du plaisir.
La sexologue et thérapeute de couple Isabelle Gace précise que l'orgasme et l'éjaculation sont deux choses très différentes: «Physiologiquement, un orgasme est la contraction et la pulsation que la plupart des hommes ressentent dans leur pénis. Il est accompagné par un accroissement du rythme cardiaque, du rythme respiratoire et a pour conséquence un soudain relâchement de tension. Naturellement, l'orgasme est beaucoup plus que ces modifications physiologiques. C'est l'expérience suprême du sexe pour la plupart des gens. L'éjaculation, elle, est simplement un réflexe. Bien qu'il soit agréable, c'est un spasme musculaire. Beaucoup d'hommes ont appris à connecter tous les plaisirs de l'orgasme avec l'éjaculation. Il est important, pour eux, de comprendre que la plus grande partie de l'éclair et du tonnerre que vous associez à l'éjaculation, est en réalité produit par l'orgasme, avec ou sans éjaculation.»
Même si les bienfaits de l'abstinence ne sont pas prouvés par la communauté scientifique, elle peut être un moyen pour les hommes de contrôler et mieux appréhender leur éjaculation. Attention tout de même: après plusieurs mois d'abstinence, il est possible de rencontrer des difficultés érectiles lors de la reprise d'une activité sexuelle. Le sexe doit rester un plaisir et non une récompense.
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