mardi 9 février 2021

Le fétichisme



Le fétichisme





Une chaussure laquée rouge ou un pull en laine, chaque objet peut devenir un fétiche. Mais comment naît-il au juste ? Dania Schiftan, sexologue, parle d'une vie à la croisée de la luxure et de la peur de ne pas être compris.

Imaginez qu'un ami vous confie être fétichiste du pull en laine. Comment vous sentiriez-vous ? Seriez-vous mal à l'aise, dans l'incompréhension, troublé ? Rassurez-vous, vous n'êtes pas seul ! « Le fétichisme est un sujet qui fait peur aux gens. Il s'agit en effet d'une forme extrême de sexualité à laquelle beaucoup ne peuvent pas s'identifier », explique Dania Schiftan sexologue. Selon elle, le sujet est bien moins trépidant qu'il n'y paraît. Pourtant, la stigmatisation persiste. 


Préférence ou fétiche : où réside la différence ?

Les fétiches sont perçus comme « extrêmes » ; pour en comprendre les raisons, il convient d'abord de savoir ce qu'est un fétiche. « En termes simples, c'est la fixation d'une personne sur un objet ou un scénario qui déclenche en elle l'émoi et l'excitation. » Contrairement à une préférence, un fétiche se définit par son exclusivité. Autrement dit, un fétichiste ne peut être excité que par l'inclusion d'un scénario ou d'un objet spécifique. « Les fétichistes sont sévèrement restreints, car ils ne peuvent ressentir d'excitation en dehors de leur fétiche », explique l'experte. A contrario, une préférence permet une certaine marge de manœuvre. « Par exemple, en ayant une préférence pour les beaux sous-vêtements, on peut soit simplement fantasmer dessus soit les laisser de côté. Cette préférence n'enlève rien à l'excitation. » 

De l'expérience à l'excitation

Mais comment une telle fixation voit le jour ? Selon Dania Schiftan, un fétiche est en principe susceptible de se développer à tout âge. « Cependant, les origines d'un fétiche peuvent, dans la plupart des cas, remonter jusqu'aux jeunes années d'une personne, en fonction de son degré de développement et du moment de la découverte de sa sexualité, par exemple entre entre sept et treize ans. » 

Dania Schiftan donne l'exemple suivant : un petit garçon brave tous les interdits en allant farfouiller dans le tiroir à sous-vêtements de sa maman. Il l'ouvre et enfile ses sous-vêtements. Il ressent une émotion qui, comme nous l'avons appris dans un autre article, est proche de l'excitation sexuelle. Ce petit garçon y revient encore et encore pour le sentiment agréable que cela lui procure. Il fait ainsi le lien entre son excitation et les sous-vêtements. La répétition de ce cheminement peut conduire à une excitation sexuelle uniquement en présence de sous-vêtements.

« Au fil des années, il est possible que ce fétiche se fixe de plus en plus. Au début, il peut s'agir de n'importe quel type de sous-vêtement, puis, à un moment donné, de matières telles que la soie et la dentelle. » Toujours selon Dania Schiftan, si des tendances fétichistes apparaissent chez de jeunes personnes, il est possible qu'elles s'estompent à la suite d'un nouvel apprentissage.

Ce qui attire une personne peut sembler étrange ou particulier à d'autres. « D'où la peur et l'incompréhension des concernés. J'observe souvent une tendance à la recherche de sensations. Plus un fétiche est excentrique, plus il attire l'attention de la société. » Souvent, ce qui devient l'objet d'un fétiche est une chose très ordinaire et quotidienne.

Qui devient fétichiste ?

« En me basant sur mes expériences, tout le monde peut devenir fétichiste. Les fétiches ne sont pas conditionnés par une constitution psychologique spécifique », explique Dania Schiftan. Le sexe, en revanche, peut jouer un rôle. « Les fétiches concernent davantage la gent masculine, car ces messieurs réagissent plus aux stimuli visuels que les femmes. Autrement dit, ils sont excités par ce qu'ils voient. Chez les femmes, en revanche, j'observe plus souvent des fétiches dits de l'humeur. » Selon l'expert, il peut s'agir, par exemple, d'un fétiche romantique, soit une certaine ambiance nécessaire à l'excitation : des bougies, des odeurs, de la musique. 

Question de négociation : le fétiche dans la relation

L'incompréhension d'un fétiche, qui relève du défi dans la relation, est un aspect que rencontre Dania Schiftan de temps à autre. Avec elle, les couples apprennent à gérer un fétiche. « Si une seule des parties de la relation a un fétiche, on peut trouver un dénominateur commun. En d'autres termes, le fétichiste peut d'un côté apprendre à développer sa propre sexualité dans le but de parvenir à l'excitation avec d'autres choses également – jusqu'à une sexualité incluant le partenaire et ne présupposant pas uniquement un objet ou un scénario –, d'un autre, le partenaire non fétichiste peut être motivé à vivre le fétiche de l'autre, mais dans une certaine mesure. » 

Un exemple : Sébastien est fétichiste des couches. Sarah, sa partenaire, propose à Sebastian de poser la couche sur le lit à côté pendant les rapports sexuels afin qu'il puisse la voir et la toucher quand il en a envie. Cela étant, Sarah ne veut pas que Sébastien mette la couche. C'est là sa limite à elle. « Il s'agit de négocier dans les limites de ce qui est bon pour les deux. On ne peut pas faire juste ou faux. Ce qui importe dans ce cas de figure, c'est d'envisager ensemble l'acceptable, le possible en d'autres termes. De quoi ai-je envie, de quoi n'ai-je pas envie. » La communication joue ici un rôle central. 

« La plupart du temps, les partenaires essaient d'abord de dissimuler leur fétiche », explique Dania Schiftan. Par exemple, Ben a un fétiche pour les femmes qui portent des chaussures très hautes. C'est pourquoi il offre régulièrement des talons hauts à sa femme Lisa. Cette dernière interprète ces cadeaux comme de l'attention de sa part et se sent désirée jusqu'à ce qu'elle soupçonne que Ben ne nourrit pas tant de l'intérêt pour elle, mais pour les chaussures. Tôt ou tard, des explications sont nécessaires. « Dans un cas comme celui-ci, il aurait été bénéfique que le couple en eût parlé franchement dès le début. »

Compatibilité du fétiche avec le quotidien

Un fétiche très banal peut compliquer une banale situation quotidienne. « Ce problème peut empêcher les fétichistes d'entreprendre certaines choses et peut alimenter la lourde crainte d'être mécompris. » Par exemple, le fétichiste des animaux gonflables se rendant à la piscine pour regarder aura alors peur que les gens autour de lui pensent que son attention se porte sur les enfants qui jouent. Pourtant, le fétiche concerne uniquement l'objet en tant tel.

Néanmoins, la question se pose inévitablement : un fétiche peut-il être dangereux pour les personnes concernées ou extérieures ? « Tant que le fétiche est légal et ne met personne en danger, il y a un cadre sûr », explique Dania Schiftan. Parfois, selon le fétiche, il est préférable de consulter un professionnel. « Les gens sont facilement étiquetés comme des pervers. Le fait est qu'un fétichisme des couches, par exemple, se produit généralement parce que les gens l'associent à des sensations agréables comme le fait d'être soigné, d'être en sécurité. La couche est alors le symbole de ces sensations. »

Cependant, Dania Schiftan souligne que c'est précisément là où réside la difficulté pour les sexologues comme elle, à savoir découvrir avec les patients leur fétiche. « Nous, les sexologues, devons être capables de comprendre ce qui se passe chez les patients afin d'arriver à identifier rapidement les dangers potentiels. »

Ensemble, mais seul

La peur de l'incompréhension induit un sentiment de solitude chez le fétichiste. « Beaucoup de gens constatent que même entre amis, on n'en parle pas. L'Internet amortit quelque peu ce choc, car il offre un lieu d'échange entre personnes nourrissant le même fétiche. » Selon Dania Schiftan, ces échanges leur donnent une sécurité et une intimité qu'ils ressentent rarement sinon. Ils parviennent à se réaliser et à s'accepter. « L'inconvénient, c'est qu'il est encore plus difficile de sortir de cette bulle. » Ces personnes restent dans cet univers, elles reçoivent un tel soutien de la communauté que le fétiche devient plus concret et plus spécifique avec le temps. Mais tant que personne ne souffre dans le processus, Dania Schiftan explique que c'est tout à fait acceptable. « Dans notre société, j'aimerais que nous nous intéressions davantage à la sexualité des gens et que ne tombions pas régulièrement de nos chaises en entendant quelque chose d'inhabituel. En manifestant un réel intérêt, alors personne ne devrait se sentir seul. »

 

 

 

 

Source : https://www.galaxus.ch/fr/page/le-fetichisme-18820

 

 

 

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