Jeudi 12 Novembre 2015
Le donjon qui ne fait pas crier
Libertinage A un jet de la Suisse, Meillerie (F) abrite à nouveau un lieu de plaisir discret, à côté de la mairie. Son propriétaire vit sa passion sans créer de remous. «Le Matin» l’a passé à confesse.
(pour voir les photos)
Un seul numéro de rue sépare le Donjon du Léman de la mairie du petit village lacustre de Meillerie, situé à 7 km de la frontière de Saint-Gingolph. Un hasard. Et une cohabitation polie avec les autorités locales et la population qui ne pipent pas mot. Les restaurateurs, eux, sont heureux. Les adeptes du BDSM – pour bondage/domination-soumission/sadomasochisme – s’arrêtent de nouveau chez eux: «Des clients comme les autres, des gens normaux.» Et les voisins directs ne voient pas le problème.
Depuis quelques semaines, le fameux donjon de Meillerie, connu loin à la ronde, a rouvert. Pas celui du Prieuré qui surplombe la localité de quelque 300 âmes.?Mais bien celui qui a attiré entre 2007 et 2012 les adeptes de ce type de pratiques sexuelles. Trois ans de disette pour les plus fidèles qui ont été contraints d’aller voir ailleurs. Jean-François, le patron, a dû lâcher la bride, trop occupé par son vrai métier de machiniste dans une entreprise de génie civil de Suisse romande.
Le quinquagénaire a grandi à Meillerie. C’est lui le propriétaire des lieux, l’animateur et le grand organisateur de ces samedis soir particuliers qui ont repris le 5 septembre: «La veille, j’ai organisé une journée portes ouvertes. Je l’ai fait par esprit de transparence, de bon cœur et sans affinités. J’ai même invité le Conseil municipal. Plein de gens sont venus, y compris des habitants de Meillerie.»
Une association non lucrative
Dans son propre duplex situé au bord de la Nationale qui mène à Evian (F), il reçoit discrètement «ses participants», membres de l’association Le Donjon du Léman, déclarée légalement à la sous-préfecture de Thonon-les-Bains en date du 28 août. But de cette entité qu’il préside: permettre à ses membres de s’ouvrir à des expériences intellectuelles, culturelles, artistiques, artisanales et de loisirs, différentes et variées, dans un contexte ludique propice à leur épanouissement personnel et à une meilleure harmonie des relations humaines.
Pas de lucre, donc. De la luxure uniquement et du plaisir absolu entre adultes consentants. Pour rencontrer le maître du Donjon du Léman, une adresse, deux escaliers rustiques en bois et trois coups d’escarpin à talon aiguille en guise de heurtoir. Nous nous retrouvons attablés au coin bar. «Cela fait 30 ans que je pratique. J’avais envie de vivre ma passion et de la partager avec d’autres. Je ne fais rien de mal. Il n’y a jamais eu un souci, jamais de débordements, jamais de blessés ou d’accidents, jamais de gendarmerie. L’endroit est discret, pas secret. Ça évite les suppositions malsaines.» Grâce à un ami, Jean-François a pu remettre le pied à l’étrier il y a deux mois: «Je ne voulais pas faire du réchauffé. J’ai investi personnellement pour racheter du matériel lourd et neuf et j’ai tout insonorisé. L’apport financier des membres de l’association permet de réinvestir dans les installations précisément. Je ne fais aucun bénéfice.»
Trois salles de jeux, deux salles d’eau, un jacuzzi. «Sont bannis la drogue, l’alcool, la pédophilie, la zoophilie ou toute autre forme de dérives.» 140 m2 pour s’adonner aux délices de la chair et y trouver ses limites. Maîtres mots de cet antre dédié aux amateurs de BDSM: le luxe, la discrétion et l’hygiène. «Nous misons sur la qualité et non sur la quantité, pas plus de 15 personnes en même temps. Si tout le monde ne joue pas, ça n’est pas la peine. Nous misons sur la propreté, aussi. Nous ne fournissons plus de petit matériel justement. Nos participants arrivent avec leurs accessoires, fouets, martinets, cordes, colliers, menottes, attaches, etc.»
Les 50-55 ans, grands adeptes
«Je leur demande aussi de venir en civil pour protéger le voisinage et la quiétude de ma petite commune, ils ne se changent ou ne se travestissent qu’à l’intérieur. Cuir, vinyle, combi, latex, fantaisies de bon goût et imagination constituent notre dress code.»
Ses visiteurs sont Belges, Français, Anglais. Et Suisses romands. «Ce sont des gens de plus de 30 ans, des couples avec une forte dominance des 50-55 ans qui sont plus dispos, les enfants sont loin, ils ont besoin de voir autre chose. Ils veulent arrêter de faire l’aller-retour entre la ferme et l’écurie et raffermir leurs liens au sens propre et figuré. Les anciens habitués reviennent, nous devons maintenant agrandir notre cercle.»
Nous ne pourrons pas photographier Jean-François. Connu de ceux qui savent. «Pas utile d’être reconnu par les autres», nous souffle-t-il en filigrane. Nous pouvons par contre immortaliser ses engins dernier cri: cages, suspensions, croix de Saint-André, fauteuil gynécologique, sling, toile d'araignée, banc de fessée, chevalet, cachot pour souris… «Il n’y a pas de sexe, pas d’échangisme ou de partouze au donjon. Ou très rarement. Ce n’est pas le but. Nous sommes là pour nous amuser à nos jeux préférés», insiste le gardien des lieux qui nous raccompagne gentiment vers la sortie. Avant de retourner sur son chantier.
Le petit village de pécheurs n’est pas ébranlé par cette réouverture. Madame la maire, Lydie Spindler, refuse de nous parler et nous répond par texto qu’il «faut nous adresser à la personne qui en a la charge». Aucune autorité n’est jamais venue vérifier les locaux et leur affectation, ni maintenant ni auparavant. Samedi soir, l’association fera vibrer ses membres. A discrétion. Et en toute discrétion.
(Le Matin / Eveline Emery)
Ayant fréquenté le donjon du Léman dans les années 2008 à 2012, pour moi Grand moment de nostalgie, avec cet article. Merci à toi Jean-François, pour ses tous ses souvenirs.
RépondreSupprimerGénial qu'il reprenne vie. J'espère pouvoir y revenir un jour à nouveau. Solitaire en ce jour pour mon cas, ça ne sera pas pour demain ! Et oui, sans Vous dominatrices, nous les soumis nous sommes rien.